- La vie bien remplie d'Eustache -

" Je suis propriétaire ! "

Peu de moustachus dans mon genre pourraient en dire autant. Cette réussite comble mon cœur de fierté et il n’est pas rare que j’observe les plus volages de mes congénères, un sourire en coin.

Depuis mon emménagement, je mesure la chance que j’ai. Car, voyez-vous, je suis plutôt verni. J’ignore ce qui m’a valu cette aisance... Mon charisme naturel sans doute.

Mon secret ?

Hum. C’est là que ça se complique. Hormis être moi-même et courir après les occasions, je n’ai pas fait grand-chose. Finalement, il n’y a pas de potion magique à divulguer.

Le fait est, tout simplement, que j’ai bien mené ma barque. J’ai pas mal voyagé au début, développé mon réseau de contacts. Savez-vous que vous pouvez obtenir pas mal de choses avec un peu de gentillesse et une attitude adéquate ?!

Je me rappelle cette fois… Ca faisait 4 jours que je marchais sans autre but que découvrir le pays et trouver un endroit sympa où m’installer. J’avais dormi à la belle étoile et mangé, de ci, de là, ce que je trouvais dans les bois. Il me fallait de l’eau et je vis alors une grande maison au bout du chemin. Je m'étais dit que dans pareille demeure, l’on me proposerait sans doute un peu d’eau, un repas… Voire peut-être même le gîte ! Tout paraissait fermé à l’avant, mais comme j’entendais de petits bruits venant de la cour arrière, je fis le tour par la grille du jardin pour me présenter directement aux propriétaires.

Je tombai nez à nez avec une très gentille jeune fille qui m’annonça plus tard à ses parents. Je me présentai et arborai mon air le plus avenant. Bien à ma place et au fait des convenances, j’essuyai les dernières traces de boues qui me collaient au train et m’assurai de ne pas être dans leur chemin.

Nous passâmes alors une des soirées les plus délicieuses de toute mon existence.

Franchement? Puisque vous me posez la question… Oui !

Oui, j’aurais pu envisager, si cela m’avait été proposé, de rester avec eux plus longtemps.

Cependant, je sentis que le père n’était pas très heureux que sa douce fille Gabrielle et moi nous soyons rencontré. Plus le temps passait, plus je sentais monter en lui une vague de désapprobation. Gabrielle et moi nous rapprochions à mesure que les heures s’égrenaient. Nous étions très attirés l’un vers l’autre.

Me faisant poliment comprendre que je n’étais plus le bienvenu. Le père de la jeune fille me proposa la sortie en fin de soirée. Déçu, je fis mes adieux à Gabrielle et continuai ma route. Quel dommage. Je pense encore à elle de temps en temps… Mais comme pour toute chose, le temps fait son office et mon cœur est guéri.

D’autant que, comme je vous l’ai dit, je suis plutôt bien mis désormais. J’ai même du personnel ! Vous rendez-vous compte ?

A l’heure où je vous parle, la femme de ménage vient de terminer de rassembler les jeux des enfants, de faire la vaisselle et d’aspirer les crasses accumulées tout au long de la journée (c’est effrayant comme ces enfants sont salissants. Mignons, mais de vrais démons).

L’homme à tout faire vient de mettre en route le poêle à bois. Il sait que j’aime me réchauffer les os, le soir quand la journée est terminée.

Mes journées sont épuisantes. Tant et si bien que le soir, il m’est nécessaire de faire une petite pause. Je m’installe alors dans mon fauteuil, en face du feu. J’insiste pour que ma petite couverture soit délicatement pliée en 4 sur l’assise avant de m’y poser.

Avant d’aller se coucher, les enfants viennent me saluer, l’un après l’autre, gentiment. Sans trop de bruits, sinon je souffle d’impatience. Ils savent, ils me connaissent. De bons petits gars ! Ensuite je reste là, allongé, à faire le bilan des heures passées.

Quand le personnel a finit ses corvées et qu’il envisage de se reposer, je suis là pour leur rappeler qu’il y a encore une chose qu’ils ont oubliée… Ma pâtée !

Non mais vraiment, dans quel monde vivons-nous... Miaou-Miaou, j’ai faim, dépêchez-vous !

Alizé Beaufays